Platon : Délier pour mieux relier
Dimitri El Murr
Hors-séries Sciences Humaines N° 9 - Mai-juin 2009
Platon n’est pas seulement l’inventeur de l’hypothèse des formes intelligibles ou de la thèse du philosophe roi, il est aussi un prodigieux créateur de concepts. Parmi eux, celui de lien, par lequel une relecture de toute la philosophie platonicienne est possible.
Relisons l’allégorie de la caverne. Le jugement de Platon sur notre condition humaine y est sans appel : nous sommes entravés par des liens nombreux et parfois infrangibles. Certains dépendent du statut de la nature humaine incarnée, intermédiaire entre l’animalité et la divinité, d’autres de l’éducation et des contraintes pesant sur l’âme selon la vie privée et publique qu’elle a choisi de mener. Ce qui donne force à ces contraintes aliénantes, c’est qu’elles se fondent toutes, en dernière instance, sur la conception que Platon défend du devenir, défini à la fois comme chaos de forces et de pulsions (La République, livre IX, Philèbe) et comme chaos d’événements (Théétète).
Rendre l’âme juste
Phédon ne dit pas autre chose puisque Socrate, d’une part, y définit la philosophie comme une déliaison par l’âme de ses liens au corps (déliaison analogue à la mort) et, d’autre part, explique la nécessité de poser des réalités vraiment réelles et échappant au devenir. Délier son âme de son corps, philosopher, [...]
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